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Prix littéraire Gaston Welter

Le comité de lecture

27 Mai 2013 , Rédigé par JG Publié dans #Général

Sylvie JUNG : Présidente du comité de lecture
Anne CROCITTI : Adjointe au Maire chargée de la culture
Jean BAILLEUX
Mohammed BEL GAHLA
Geneviève BERTIN
Luc BIBAUT
Jérôme CARRY
Cécile DELADOEUILLE
Françoise DOUCHAMPS
Perrine DOYEN
Pierre DRATWICKI
Hélène GAUTIER
Delphine GEORGE
Marie-France KREBS
Christelle MONNOT
Emilie DUBOIS-MULLAERT
Didier RIZZO

Présidents honoraires :
Roger TERRE
Michèle WELTER

2ème Prix d’honneur 2013 : Debout, au coin d’une rue, dans la banlieue de Kinshasa

13 Mai 2014 , Rédigé par Mairie de Talange Publié dans #Lauréats

Les jambes lui font mal.
Deux fois par semaine, le même itinéraire... et le chariot, toujours plus lourd.
A cinquante trois ans, c’était le seul boulot qu’il avait pu trouver. Ouvrier typographe de métier, obligé de distribuer de la publicité.
Ce matin, on ne sait même pas s’il pleut. De l’eau en suspension. On est en novembre. L’humidité qui perce ses vêtements le glace jusqu’aux os. Une bruine, une bruine grasse qui fait des halos autour des ampoules des lampadaires. Une belle image sans doute pour un poète, assis au chaud derrière sa fenêtre.
Il est fatigué. Pourtant, cinquante trois ans, on dit que c’est jeune, c’est presque encore le bel âge pour les hommes. Le bel âge, ça le fait rire... Tout chez lui est fatigué et inadapté. Ses baskets sont fatiguées d’avoir trop marché, crevées aux coutures. Et légères, si légères... Ses pieds y baignent dans une humidité poisseuse. Son jean usé jusqu’à la corde, tellement fatigué lui aussi qu’il n’a plus la force de s’accrocher à ses hanches... et pas de ceinture pour sauver les apparences. Son anorak n’a d’anorak que le nom. Simulacre d’anorak qui ferait éclater de rire n’importe quel eskimo, à condition que celui-ci ait émergé des vapeurs de mauvais alcool. Finalement, dans la misère, il n’est pas si loin que ça des eskimos. Mais les eskimos, ont-ils aussi froid que lui ?...
Et ce chariot qui grince que cela en est exaspérant.
Chômage... cinquante ans... fin de droits... tout part à vau l’eau...
Il y a seulement cinq ans, il n’aurait pas imaginé qu’il en serait là... distribuer de la pub... Deux fois par semaine, le même rituel. Tous les distributeurs se retrouvent dans le vaste hangar éclairé violemment. Une lumière presque blanche. Une lumière de bloc opératoire, de scialytique. Tout y est net. Les piles de prospectus proprement rangées en un labyrinthe étrange, absurde aussi puisqu’on le surplombe. Quelques humains s’y affairent, pliés en deux, à des tâches incompréhensibles. Et dans cette lumière blanche, tous ces hommes et ces femmes qui attendent : sans sexe, sans âge, sans plus aucune dignité.
Back to the past. 1900. L’embauche chaque matin, au gré de l’humeur du patron. Tous les crèves la faim devant le portail de l’usine... qui espèrent... et passée l’heure de l’embauche, tous ceux qui repartent, les épaules avachies, honteux.
A chaque fois, le cheptel est renouvelé par moitié. Lui, il fait partie des anciens. Cela fait déjà tant de semaines qu’il vient, métronomiquement. Il se rappelle sa candidature. Il n’avait pas encore compris. Après son licenciement, il y croyait. Plein d’énergie, plein surtout d’illusions, il avait suivi tout le parcours de parfait petit demandeur d’emploi. Bilan de compétence, foultitude de lettres de candidatures désespérément sans réponse, entretien avec le conseiller de l’ANPE...
Le conseiller... parlons-en... plutôt la conseillère. Pas même vingt cinq ans. Toute jeune fille qui n’a de connaissance du monde du travail que ce que les livres lui en ont dit. Naïve elle aussi. Croyant dur comme fer ce qu’on lui a appris : ceux qui ne trouvent pas de travail n’en ont pas réellement

cherché. Ou alors, le CV est mal rédigé... le CV... que d’exemplaires rédigés puis raturés par cette gamine ne se rendant pas compte des meurtrissures qu’elle lui infligeait. Son jargon pédant d’instrument décervelé, se dépêchant de s’approprier le langage pour être comme les autres, dans le moule, déjà poussiéreuse avant d’avoir été usée. Ne se rendant même pas compte de ce que sa tenue vestimentaire représentait comme affront pour lui. Légitimant son existence à travers l’exhibition de son nombril piercé et des bourrelets de mauvaise graisse de ses hanches. Croyant qu’être c’est montrer.
Après les premiers mouvements de révolte devant tant de bêtise technocratique, il s’était éteint. Il avait basculé le commutateur. Etait devenu neutre, transparent, acceptant placidement les critiques ou les propositions. S’y pliant même.
... votre annonce de technicien de surface... mes qualités... ma forte capacité d’adaptation... vous apporter mon expérience.. je souhaite intégrer votre entreprise... je suis motivé...
Stop, ça suffit. Plus d’effort pour rien.
Tenter de retrouver, une fois l’épreuve passée, sa personnalité et, cependant, à chaque fois, toujours y laisser un morceau de soi-même. A ce jeu inhumain, il perdit un boulon de conviction, une vis de dignité, tout partait à la déglingue.
Et toujours le retour dans ce hangar. A force, il s’est fait sa propre galerie de portraits.
Il y a le jeune lycéen armé d’une forte détermination. Il ne viendra qu’une fois, démoralisé avant d’avoir terminé sa première tournée. Pourtant, il avait fantasmé la fortune. La super guitare était à portée de main, à portée de boite à lettres.
Il y a beaucoup de femmes, d’âge indéterminé. La vie ne leur a pas fait de cadeaux. Les quelques euros gagnés servant à faire bouillir la marmite, à rendre le potage un peu plus goûteux ou pire, à payer la facture d’électricité ou l’ardoise au bar.
Il y a les retraités qui eux aussi veulent compléter leur pension. Eux, c’est en couple. Petites souris besogneuses. Ils comptent méticuleusement, les corps tremblotants.
Il y a enfin les clodos. Ceux là, on les reconnaît tout de suite. Ils se regroupent en troupeau. Rigolant fort, pétant même, surtout puant.
Tous des femmes et des hommes, humains... avant tout. Jeunes ou vieux mais se ressemblant tous... gris... Toute une cohorte, photographie de la misère humaine, payée pour distribuer des prospectus sur papier recyclé, qui finiront à la poubelle, voire dans les bennes de recyclage sans même avoir été feuilletés. Des prospectus qui proposent des promos. Des promos d’articles toujours moins chers pour le consommateur qui se ruera pour les acheter, croyant faire une affaire mais s’étant une fois de plus fait tromper : le t-shirt qui en une seule fois déteint, rétrécit et se déforme. C’est peut-être ça que l’on appelle les vêtements intelligents. Le lecteur DVD qui ne passera même pas un film. Seules, les fleurs en plastique tiendront... hélas...
On est début novembre et c’est déjà les catalogues de jouets pour Noël qu’il faut distribuer. A vomir. Cette fois, il y en a un qui a fait fort. Son catalogue représente la bagatelle de 360 pages. Un livre. Il va distribuer un vrai livre. Un livre qui va être jeté à la poubelle. Et ce livre, il pèse. Il va allonger la tournée. Et dans ce cas, pas de prime. Ouvrier typographe. Distribuer des livres de publicité, mal imprimés et imprimés on ne sait où.

La boite... ils ont des super mots pour montrer qu’ils sont généreux et qu’ils donnent du travail. Au début c’était arrondissez vos fins de mois. Maintenant, il faut une lettre de motivation avec un CV.
Sa tournée à lui, c’est 1 080 boites. Pour gagner 500 euros par mois, il faut qu’il fasse deux tournées par semaine. Une tournée fait 3 jours. Il s’est amusé à compter. 1 080 boites en 3 jours, cela fait 360 boites par jour. Pour 7 heures de travail par jour, cela fait 51 boites à l’heure. 2 tournées, ça fait 6 jours. Maintenant, il a un CDI avec un salaire fixe plus une commission. Il a aussi des congés payés. Mais 500 euros par mois pour un travail plus qu’à plein temps. Pour manger, s’habiller, se loger et payer sa voiture pour porter sa tournée...
Quand il se met à penser comme ça, il devient fou. Parce qu’il ne comprend plus. Qui gagne quoi dans tout ce grand jeu ? Sans doute le magasin de jouets. Mais au prix des jouets, il a fallut ajouter le prix du livre de publicité et sa distribution. Et cette distribution qui ne rime à rien. La plupart des publicités allant à la poubelle. Quel travailleur peut-il voir le produit de ses efforts aller directement à la poubelle ?
Et toutes ces boites avec ces auto collants « Publicité : non merci »... Ils se croient sans doute malins ceux-là, ou pire, éco citoyens...
Son travail consiste à mettre des papiers dans des boites à lettres avant qu’ils n’aillent directement dans la poubelle. De quoi devenir neurasthénique.
Debout au coin de cette rue, ses pensées divaguent. Certaines incongrues. Comment font-ils à New York ? Y-a-t’il des distributeurs de publicité dans les grattes ciel ? Et à Mexico, dans les taudis, on distribue aussi des livres de jouets ?... Dans la banlieue de Kinshasa, sous le soleil implacable, le long des rues poussiéreuses, y-a-t’ il seulement des boites à lettres ?...
Penser à Kinshasa illumine un bref instant le bout de trottoir sur lequel il est, statique, perdu dans ses pensées. Il voit bien la lumière du soleil. Il sent le poids de la chaleur sur ses épaules. Ses yeux involontairement se plissent pour se protéger de l’éblouissement. Il sourirait presque.
Une goutte de pluie glisse sur ses cheveux gras, lentement. Pendant une fraction de seconde, elle se retient, accrochée comme par miracle. Mais son poids l’entraîne. Elle tombe dans son cou, minuscule poignard glacé qui coule entre ses épaules. Il frissonne, revenant brutalement à la réalité.
Consciencieusement il remplit sa besace qui pèse à son épaule, charge son chariot et commence sa tournée...
...et le grincement du chariot, toujours...

Luc Doin

1er Prix d’honneur 2013 : La force de ceux qui n’en ont plus

13 Mai 2014 , Rédigé par Mairie de Talange Publié dans #Lauréats

Mélanie Ménage est une femme sur qui le nom de famille a exercé une influence déterminante. Dès l’adolescence, elle a quitté l’école pour briquer, astiquer, fourbir et polir. Chez les autres, car chez elle, c’est crasseux. Son logement est un taudis fait de boue et de crachat dans lequel le soleil n’ose pas aventurer un rayon, un cloaque à bon marché décrété insalubre par les services sociaux qui ont apposé un écriteau « Défense d’habiter » sur la porte. Et les choses n’ont fait qu’empirer depuis son mariage avec Pierre Pinard, homme sur qui le nom de famille a exercé une indéniable influence également.
Justement, parlons-en du Pierrot : maigre comme un clou, le visage mangé par une barbe douteuse, les dents déchaussées, les yeux vert marécage. Il boit tellement qu’il ne peut plus lever les orteils ; l’avant de ses pieds traîne à la marche. Polynévrite alcoolique, d’après le docteur, avec le chômage comme symptôme. Une bonne raison de se soûler, un moyen d’oublier la vie qu’il a. Justement, la vie, il n’en veut plus — il n’en a jamais voulu. Mais c’est l’heure de l’apéro. Au comptoir du bar qui sent la bière éventée et le chien mouillé, ce solide buveur commande sa dose avec cet accent épais du Lot-et-Garonne qui rend ses paroles incompréhensibles. Il se fichera en l’air plus tard, car le temps n’a pas usé ce prodige : aujourd’hui encore, il se sent mieux quand il sait son verre d’habitué à portée de main. Ce verre dont le contenu gâte ses moeurs déjà mauvaises, les envenime, le fait causer avec des mots salingues en tordant la gueule.
Il est treize heures quand Mélanie Ménage — épouse Pinard — revient avec des fruits gâtés que les vendeurs bradent à la fin du marché du Pin. Cette femme corpulente à la tignasse jaune javel peine à monter les cinq étages sans ascenseur de son HLM agenais. La cigarette chevillée au corps depuis l’enfance, une douleur la traverse à chaque respiration, l’oblige à faire une halte sur chaque palier. Quand elle arrive enfin devant son appartement, elle entre sans clef ; le bâti a été forcé, la porte ne ferme plus. À l’intérieur, ça sent plus fort le gaz que le renfermé. Pas normal, ça ! Elle va ouvrir la fenêtre. Au travers de ses lunettes aux verres loupes qui lui font un regard de poisson mort, elle voit un mot sur la table, puis Pierre étendu sur le sol, la tête dans le four. Elle murmure le prénom de son mari, comme si elle n’avait pas le droit de crier. « Faut pas l’ouvrir, faut jamais l’ouvrir » lui répétait sa mère avant de tomber dans le Canal du Midi. Mélanie a mal dans la poitrine ; elle a un point entre ses longues mamelles qui ballottent. Elle se sent démunie, gênée du regard vindicatif qu’elle pose sur le corps inerte autour duquel tourne une grosse mouche bleue. Elle saisit le mot et lit : Je me suis suicidé. Appelle le 15.
Son geste lui coupe les jarrets, la ramène aux pires heures de son existence, à son enfance déglinguée. Les souvenirs affluent comme une rivière boueuse qui déborde de son lit sans prévenir. Pierre a renoncé, il l’a laissée.

Elle pose ses mains sur le dossier collant d’une chaise qui supporte un instant le poids du malheur. Elle tente de comprendre, mais il n’y a rien à comprendre. Il s’est barré comme un dégonflé, voilà tout !
Elle l’a mauvaise, comme l’haleine.
Elle marmotte un « Lâcheur ! » encoléré en remontant sur son nez graisseux ses lunettes rafistolées avec du sparadrap. En même temps, ça devait arriver, se dit-elle. Alors, Mélanie Ménage — veuve Pinard — se ravise.
Après tout, c’était son homme.
Son bonhomme.
Le 3 mai, il aurait eu quarante ans.
Elle pense faire les funérailles le 1er avril. Qu’est-ce-que je vais lui mettre ? se demande-t-elle. Elle le regarde comme une formalité à effectuer quand une odeur pestilentielle lui arrive au nez. Est-il déjà en train de se décomposer ? Ses larges narines se dilatent sur les côtés ; elle connaît cette puanteur. Il a loufé ? s’étonne-t-elle in petto.
Et s’il était vivant ?
Elle s’approche, le secoue. Les paupières de Pierre tremblent. Il ouvre les yeux. Il a cet air. Cet air d’animal instable, cette sauvagerie brutale et imprévisible. Cet air qui fait peur jusqu’aux autres hommes de la famille, tant il semble capable de tout.
Sirène, remue-ménage dans les communs, cliquetis métallique.
Se décider à appeler les secours n’a pas été facile pour Mélanie. C’est que les pompiers la connaissent bien : c’est elle qui torche les vieux de l’Assistance publique. Et puis, combien de fois ont-ils enfoncé sa porte pour lui venir en aide ? Heureusement qu’ils n’ont jamais eu d’enfants, les Pinard. À grands coups de poings qu’il discute avec sa femme, le Pierrot. OEil fermé, lèvre éclatée, incisive ébréchée, bras tordu. Encore plus fou que son dément de père. Injuste et cruel comme tout enfant battu, comme tout faible investi d’un pouvoir, passant du rôle de victime à celui de bourreau.
Ce coup-ci, les hommes en uniforme sont surpris. Première fois qu’ils viennent chez les Pinard pour une TS — tentative de suicide dans leur jargon professionnel. La dernière fois, Pierre s’étouffait avec ses vomissures pendant un coma éthylique. Il faut dire que c’est du guignol, ce type-là. Persuadé que sa femme est ladre, qu’elle ne sent pas les coups.
— Et si j’étais entrée avec ma clope ? réalise-t-elle soudain.
— Vous auriez sauté avec la baraque, confirme un pompier. Une étincelle et c’est le feu d’artifice avec le butane !
Mélanie opine du chef en signe d’acquiescement, passe ses doigts dans la paille qu’elle a sur le crâne. Des doigts ? Non, des boudins pourprés

et crevassés, accrochés à des mains récureuses de plats en fer-blanc. Elle continue à dodeliner de la tête, accoutumée à faire siennes les affirmations masculines.
Au même moment, un brisement immense s’empare de Pierre Pinard. Le petit, qui pissait de trouille sous les couvertures en entendant son père rentrer, est revenu du passé. Un petit Pierre à la chair meurtrie, un Pierrot tremblant au visage plein de larmes.
Méconnaissable.
C’est à croire qu’il restera éternellement ce gamin craintif traînant sa peur partout avec lui. Mélanie lui tapote l’épaule comme on flatte un chien docile, et lui dit :
— Tout va bien se passer maintenant.
Rien ne l’y oblige, mais par habitude, ou par abattement, il lâche un « Merci » faiblard.
Aussitôt, il le regrette, se méprise.
Mélanie regarde les uniformes s’agiter autour de son homme. Se sentant inutile, elle descend au pied de l’immeuble pour fumer. Pourtant, elle sait qu’elle ne devrait pas, qu’elle a le cancer qui va avec. Elle a essayé d’arrêter. Impossible. Et maintenant, c’est trop tard. Alors au point où elle en est, autant se finir. Qu’on la laisse tirer sur sa clope en paix ! En attendant l’Alzheimer qui lui fera oublier ses poumons goudronnés. Elle espère que la maladie qui efface tout ne tardera pas, car sa langue est atteinte. Avec ce que je me tiens, c’est moi qui aurais dû me jeter par la fenêtre, pense-t-elle. Je ne me serais pas ratée, moi. Pas comme Pierrot.
Certes, il aurait pu éparpiller son sac d’os comme un puzzle auquel il manque une pièce. Mais à dire vrai, il ne voulait pas mourir. Il voulait être sauvé, au contraire. Sauvé de sa femme qui ajoute l’odeur du tabac à celle des corps mal lavés et du linge humide. Éloigné de l’antipathie installée entre eux, incapable de supporter la présence de Mélanie, ses travers, ses manies. Tenu à l’écart de leurs journées routinières qui s’empilent comme des assiettes creuses.
— Un mot à votre dame avant de partir ? jette un brancardier.
Pierre regarde la tête mafflue de sa moitié : le duvet sur ses joues couperosées, la moustache sur sa bouche lippue. Ses grosses lèvres font affleurer le souvenir angoissant de l’énorme toison poisseuse en haut de ses cuisses velues.
Alors, dire quelque chose ?
Dire quoi ?
Le malheur est ineffable, la violence indicible. La misère humaine ne se partage pas, elle se vit.

Mélanie allume la télévision pour voir qui gagne à la roue qui tourne. Le volume trop fort couvre la solitude qui est son lot depuis que Pierre est parti dans le beau camion rouge. Deux semaines qu’il est à l’hôpital Saint-Esprit pour une fibrillation ventriculaire et des troubles de la conscience. Pourtant, Mélanie n’est pas triste, tant s’en faut. Le matin, elle fait la grasse matinée. L’après-midi, elle nettoie chez les autres. Le soir, elle choisit le programme télé sans se retrouver avec des marques de strangulation — même les soirs de match.
Et c’est parti pour durer, car Pierre devient fou.
Il affirme que sa femme a essayé de l’étouffer pendant son sommeil, en se couchant en travers de lui, les chairs massées de son ventre contre son visage. Parce que personne ne le croit, une colère aveugle s’empare de lui. Il explose en un de ces accès de violence incontrôlable dont il est familier. Cris, lutte, chocs sourds, mots sans suite hurlés ; quand les infirmiers parviennent à le maîtriser, c’est pour l’interner en psychiatrie à la Candélie. Soixante-dix hectares pour s’ébrouer en liberté surveillée dans le Sud-Ouest. Il y sera bien, Pierre Pinard, avec son foie aussi gras qu’un canard gavé.
*
Étonnant que Mélanie ait raté son coup. Avec la volonté qu’elle a, quand pleine d’une joie mauvaise, savourant d’avance son plaisir, elle se couche sur sa victime avec l’intention de l’étouffer comme un animal nuisible. Et ce ne sont pas les trois petits corps glacés qui gisent sous les frites dans le congélateur qui diront le contraire à propos de leur mère.

Frédérique-Sophie Braize

Le palmarès 2019 et 2020

30 Septembre 2021 , Rédigé par Mairie de Talange Publié dans #Brochures, #Palmarès, #accueil

Retrouvez ci dessous le palmarès 2019 et 2020 ainsi que les textes primés :

 

Bienvenue

27 Mai 2013

Bienvenue sur le blog consacré au Prix littéraire Gaston Welter. Depuis 24 ans, le jury sélectionne les meilleurs nouvelles qu'il reçoit chaque année de tous les coins de la France.

Sur ce blog, vous trouverez toutes les informations sur ce prix littéraire mais aussi le règlement afin de participer à l'édition 2014.

Le palmarès 2019

1 Février 2021 , Rédigé par Mairie de Talange Publié dans #accueil, #Palmarès

Retrouvez ci dessous le palmarès 2019 et les textes primés :

 

Envoyez vos textes jusq'au 28 juin 2020

16 Mars 2020 , Rédigé par Mairie de Talange

 

 

La brochure 2017

12 Mai 2018 , Rédigé par Mairie de Talange Publié dans #Archives, #accueil

Envoyez vos textes du 1er mars au 29 juin 2018

21 Février 2018 , Rédigé par Mairie de Talange

Consulter le règlement ici

Les dernières nouvelles

1 Février 2021 , Rédigé par Mairie de Talange

Le jury du Prix littéraire Gaston Welter va se réunir en février 2021 pour délibérer sur le prix de la Nouvelle 2020. Les lauréats seront prévenus dès que le palmarès sera connu.

 

Cérémonie de remise du prix de la Nouvelle Gaston Welter 2017

22 Mai 2018 , Rédigé par Mairie de Talange Publié dans #Archives

 

Envoyez vos textes du 4 mars au 28 juin 2019

2 Mai 2019 , Rédigé par Mairie de Talange

 

La Cérémonie de remise des prix est repoussée au mois de mai

19 Janvier 2018 , Rédigé par Mairie de Talange Publié dans #accueil

La cérémonie de remise des prix initialement prévue le 20 janvier 2018 est repoussée au samedi 12 mai 2018. Le palmarès sera dévoilé à ce moment. Chaque participant recevra par la suite la brochure avec les textes primés.

318 textes pour l'édition 2017

5 Juillet 2017 , Rédigé par Mairie de Talange Publié dans #Général

318 textes sont présentés au jury pour l'édition 2017. Nous vous remercions très sincèrement pour votre participation.

Après 2005 (542 textes), 2006 (473 textes), et 2008 (343 textes), l'année 2017 est la 4ème meilleure contribution de textes depuis la création du prix en 1996

Envie de tenter votre chance ? Vous avez jusqu'au 28 juin 2016

23 Février 2016 , Rédigé par Mairie de Talange Publié dans #Archives

Les envois doivent parvenir à Madame la Présidente à partir du 1er mars 2016 et ce jusqu’au Mardi 28 juin 2016 inclus.